Extrait les chemins du ciel (Les fiancés de la vallée)



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Extrait les chemins du ciel


     Campagnac, villagegerie avec ses dépendances entourées de grandes forêts de conifères se perdant dans les contreforts des massifs montagneux. de montagne de 400 âmes situé non loin de Gavarnie avec sa petite église en pierre de schistes. Après le petit pont de pierre traversant le gave se trouvait une ber
 
Une jeune femme Aurore Barthe, de ses 22 printemps, cheveux blonds bouclés vêtue d’un ample pantalon de velours et d’un gros pull au col roulé portant un léger sac à dos, arpentait l’étroit chemin au milieu des plateaux herbacés.
Natif du village, elle avait fait des études de musique et obtenu le prix du conservatoire de piano à Paris. Elle composait des musiques et éprouvait  une grande fascination  pour les orgues.
 
Un jeune homme Bastian Ogeraux, à peine plus âgé qu’elle la suivait à peu de distance. Il était vêtu d’un vieux jean avec une épaisse chemise de coton, grand, cheveux courts.
Le jeune couple arriva sur un plateau entouré de hauts sommets enneigés pour faire une halte. Ils posèrent leurs sacs à dos. Ils étaient appelés par les gens du village « les fiancés de la vallée ». Ils se connaissaient depuis leur tendre enfance. On ne voyait jamais l’un sans l’autre. Aux jeux d’enfance avaient succédé une profonde amitié qui avait fait place aux premiers émois de l’amour. Les études musicales finies, ils envisageaient de se marier. Elle vivait à Toulouse chez ses parents qui possédaient une boutique de vente d’instruments et de partitions de musique. Bastian sortit un appareil photo de son sac à dos qu’il avait posé sur l’herbe.
  - Une occasion de faire une belle photo avec ce panorama.
Il cadrait dans le viseur de l’appareil photo Aurore qui s’était allongée sur l’herbe.
  - Aurore, un peu plus à droite. Ne soit pas crispé.
  - Tu sais que je n’aime pas être prise en photo.
  - Tu es belle comme une vedette Hollywoodienne.
Énonça Bastian en déclenchant l’appareil photo. Elle ôta son pull et dégrafa son soutien-gorge de dentelle bleuté pour savourer les premiers rayons du soleil printanier. Bastian ayant rangé son appareil photo dans son sac s’allongea près d’Aurore.
  - Premier prix du conservatoire de piano. Bientôt les grandes affiches dans le monde entier. Récital de Chopin avec Aurore Barthe.
  - Pas si vite monsieur le professeur de musique.
  - C’est merveilleux soupira Bastian en embrassant Aurore.
La jeune femme respirait le grand air et savourait ce délicieux moment.
  - Cela fait du bien de se ressourcer dans cette nature sauvage. On oublie tout. J’ai même une mélodie qui me trotte dans ma tête. Tu te rappelles ? Franz Schrader ?
  - Bien sûr. Il a sa statue à l’entrée du village de Gavarnie. Géographe, peintre, romancier. Il a énormément contribué à faire découvrir les Pyrénées.
  - Une de ses phrases a été gravée au bas de sa statue. « Quand la montagne vous a pris le cœur…»
  - « … Tout vient d’elle et tout vous y ramène » terminait Bastian.
  - Je vais mettre en musique cet amour de la montagne. J’ai déjà le thème dans ma tête.
  - J’ai hâte de l’écouter.
  - Je le dédierai au grand-père du petit Arnaud.
  - Cela le touchera beaucoup.
  - Il nous a si souvent amenés en montagne lorsque nous étions enfants.
  - Il connaît la faune mieux que quiconque.
  - Les plantes pour les tisanes.
  - Et préparait son génépi. Il parait si étrange.
  - Pourquoi tu dis cela ? S’étonna Aurore.
  - Il ne rentre jamais dans une église. Encore moins dans un cimetière.
  - Il ne croît pas au paradis comme Monsieur le Curé. Cela l’importe peu. Dans d’autres temps… Le bûcher !
  - Nous l’aurions peut-être suivi.
  - Sûrement. Il ressent l’énergie de tout être vivant. Tu te souviens lorsque tous les trois, on se tenait par la main autour d’un bel arbre. Je sentais sa puissance.
  - On était apaisé. Il suffisait de fermer les yeux. De respirer lentement et de faire le vide dans son esprit. J’avais l’impression de ne faire qu’un avec la nature.
  - Le bonheur. Je ne voulais plus ouvrir les yeux. Il ne craint pas la mort.
  - En effet. Il nous parlait souvent d’esprit ou d’énergie qui animaient les corps et devait progresser sans cesse. Revenir parfois, entourer les vivants leur prodiguer les conseils que nous interprétons par intuition, ou sixième sens.
  - Tu crois que la vie existe après la mort ?
  - Le grand-père est très convaincant. Il est difficile de revenir de ce voyage pour le raconter. Le cas de personnes plongées dans un coma dépassé et qui reviennent à la vie est toutefois très nombreux.
Bastian soupirait en regardant le plateau herbacé couvert de fleurs avec les sommets à l’horizon dont le soleil éclairait les cimes enneigées.
  - Ne crois-tu pas aujourd’hui que cette journée est trop belle pour partir dans l’au-delà.
Les yeux d’Aurore brillaient de désir.
  - Tout à fait de ton avis.
Bastian déposa un long baiser langoureux sur les jolies lèvres d’Aurore. Il la caressait en lui défaisant le pantalon de velours laissant apparaître une broderie de dentelle bleutée. Elle poussa un petit cri. Une chèvre léchait ses pieds nus.
  - Elle est adorable. Elle n’est pas sauvage. Elle doit appartenir aux Vidal.
La jeune femme boucla son pantalon de velours et se leva. Elle prit la petite chèvre dans ses bras. Aurore entendit un petit bruit et se retourna vers Bastian qui rangeait l’appareil photo.
  - Tu étais magnifique avec la lumière.
Aurore sourit et posa la chèvre sur l’herbe lui montrant le chemin pour redescendre sur le plateau où le reste du troupeau devait paître. Elle s’allongea de nouveau à côté de Bastian.
Il caressait la poitrine d’Aurore.
  - Revenons à nos occupations pastorales.
Ils entendirent un léger bruit de pas. Aurore n’eut pas le temps de cacher ses charmes. Ils aperçurent la silhouette reconnaissable du grand-père du petit Arnaud, Cheveux blancs, portant fièrement ses 65 ans, vêtu de son grand manteau de berger, coiffé de son inséparable béret. Il leur fit un signe amical à l’aide de son bâton ferré. Il prit la petite chèvre dans ses bras et disparut dans la légère brume matinale.
Natif de Campagnac le vieux berger sous un abord taciturne et froid cachait un esprit d’une grande sagesse. Il connaissait toutes les plantes de la montagne. Sa grande spécialité était la liqueur de Génépi qu’il fabriquait lui-même selon sa recette secrète. Il aimait partir seul pendant des heures dans les alpages contempler la nature sauvage et trouver des plantes pour ses tisanes. Il adorait son petit-fils Arnaud âgé de 6 ans, aveugle de naissance. Bastian légèrement courroucé rompit le premier le silence.
  - Il aurait pu annoncer sa présence. Il a dû se rincer l’œil.
  - Tu le connais bien. Le grand-père du petit Arnaud parle peu.
  - Ce n’est pas une raison.
  - Et son Génépi !
  - Tu me prends par les sentiments. Il est vraiment délicieux. Je sais… C’est vraiment un brave homme.
  - Disons qu’il regardait le paysage.
Bastian contemplait la poitrine nue d’Aurore éclairée par un rayon de soleil.
  - Qui mérite d’être exploré.
Bastian embrassa tendrement la jeune femme.
 
En fin d’après-midi, le jeune couple traversait le plateau herbacé couvert de rhododendron en fleur pour descendre au village de Campagnac. Il découvrit le troupeau de brebis qui  broutaient l’herbe grasse printanière du plateau. Jérôme Vidal, leur fit un signe amical de la main. Son fils Arnaud aveugle de naissance s’amusait avec Nice Blue. Il s’agissait d’un chien des Pyrénées ou Patou. D’un poids de 70 kg pour une hauteur au garrot de 80 cm, Nice Blue avait un corps bien charpenté avec sa robe blanche couverte de poils mi-longs. Une truffe noire sur un large museau et des petits yeux en amande qui contribuaient à lui donner un regard doux et rêveur. D’un tempérament placide, entêté mais protecteur, Nice Blue protégeait et surveillait étroitement le troupeau de brebis tandis que deux chiens bergers, des Border Collie, caractéristiques par leurs robes noires rousses et blanches aux poils mi-longs, leurs longues oreilles et d’un poids de 15 kg avec une hauteur au garrot de 50 cm, s’occupaient de rassembler et de guider le troupeau. Nice Blue, le chien des Pyrénées aurait été capable avec son agilité et sa force de tenir à distance des prédateurs comme des loups ou même un ours. Il lui arrivait de courir au-devant d’un promeneur qui se rapprochait du troupeau pour s’assurer qu’il ne constituait pas un danger pour les brebis et vérifier qu’il continuait son chemin. La présence de la race du Patou dans les hautes vallées Pyrénéennes est attestée depuis le moyen-âge. Au 17ème siècle, madame de Maintenon l’introduisit à la cours du roi Louis XIV à Versailles contribuant à le faire connaître avec succès dans tout le royaume pour ses qualités de chien de compagnie en plus de celles de gardien. Nice Blue savait que le petit Arnaud était aveugle, aussi, il le protégeait comme son petit avec beaucoup d’affection, de douceur et de patience. Bastian observait la scène.  
  - Ce doit être Jérôme avec son fils.
  - Sûrement. Regarde le chien Nice Blue.
Le chien des Pyrénées surveillait les brebis et aussi le petit Arnaud  qu’il guidait en le prenant doucement par la main.
  - Brave bête. Il se rend compte qu’il est aveugle. Il le protège comme son petit.
 
Le chemin descendait rapidement en lacets vers la vallée de Campagnac. Déjà, l’on pouvait apercevoir les toits d’ardoises des premières maisons et le gave tumultueux traversant le village. Le jeune couple longeait une barrière de bois entourant une ferme au mur de schiste et sa bergerie attenante au toit d’ardoises. Elle était la première habitation avant le village. Au dessus de la ferme, une succession de plateaux d’alpage et de sapins se perdaient dans le brouillard vers les hautes montagnes qui entouraient la vallée.  
 
Anne, la femme de Jérôme VIDAL, la trentaine, cheveux châtains portant un panier s’approcha de la barrière et interpella le jeune couple.
  - Aurore, Bastian. Venez, venez. Je vous ai préparé un panier.
Aurore prit le panier de victuailles contenant un fromage de chèvre de leur fabrication, un pot de confiture de myrtilles, un pâté de porc et une bouteille de Génépi venant du grand-père du petit Arnaud.
  - C’est gentil. Nous avons croisé votre père ce matin sur les alpages.
  - Il doit chercher des plantes pour sa liqueur avec Arnaud répondit Anne.
  - Nice Blue s’occupe bien d’Arnaud. Nous les avons aperçus ensemble.
  - Cela surprend beaucoup de gens. Il le guide aussi bien qu’un chien d’aveugle. Incroyable.
  - Aucun progrès pour sa vue ? Questionna Bastian.
  - Au début, répondit Anne le regard triste, il devinait des silhouettes. Maintenant… Rien…
    Arnaud devra aller dans un centre spécialisé pour apprendre le braille.
La tristesse s’entendait dans le ton de sa voix et le léger silence qui suivit qu’Aurore et Bastian n’osaient rompre, puis Anne montra le panier qu’elle avait offert à Aurore avec une bouteille de liqueur.
  - Je vous ai mis le génépi de mon père.
  - Toutes les saveurs de la montagne.
  - Il aimerait transmettre le secret de sa recette à son petit-fils. Malheureusement, cela sera difficile.
Anne regardait trois petites chèvres naines qui s’agiter dans un enclos extérieur près de la bergerie.
  - Va falloir que je leur donne le grain. Ce sont les compagnons d’Arnaud. Si vous saviez comme elles le connaissent.
Aurore s’apprêtait à continuer son chemin avec Bastian pour descendre vers le village.
  - Merci pour tout.
  - C’est gentil de s’occuper de notre maison. Hier soir quand nous sommes arrivés de Toulouse et que la cheminée ronronnait. Je ne te dis pas le bonheur répondit Bastian.
Anne précisa.
  - Sur le meuble près du piano. Je vous ai mis une garbure dans une soupière. Il ne reste plus qu’à la faire réchauffer.
Anne quittait le jeune couple pour se diriger vers l’enclos où se trouvaient les trois petites chèvres naines.
Bastian et Aurore reprenaient le chemin du village qui enjambait le gave sur un pont en pierre.
La massive église de Campagnac en pierres de schiste sombre donnait une impression de force protectrice avec son clocher carré crénelé. Seuls quelques vitraux faisaient entrer la lumière dans le cœur de l’église. À l’extérieur un perron de quatre marches protégé par un appentis aux tuiles d’ardoise donnait sur la place centrale du village toute pavée où de nombreuses rues étroites convergeaient. 
 
Sur la place de l’église, la veuve Colette Prieur tout de noir vêtue avec sa voilette allait fièrement sur ses 69 ans. Elle continuait de s’occuper de la paroisse ainsi que d’assister le jeune curé Donnadieu âgé de 28 ans nommé récemment par le diocèse. Portant une soutane noire et une barrette (coiffure), il était en conversation avec la veuve Prieur, quand Bastian et Aurore arrivèrent sur la place. La veuve Colette Prieur reconnaissant Aurore l’interpella.
  - Aurore. Félicitations pour le concours.
  - Merci, madame
Puis la veuve s’adressa au jeune curé Donnadieu.
  - Je vous présente. « Les fiancés de la vallée ». Ils sont toujours ensemble. Je leur ai appris l’orthographe.
Puis à l’intention de Bastian et Aurore.
  - Vous vous rappelez.
  - Cela parait si loin dit Bastian.
  - Tu es devenue une belle jeune fille… Remarquait avec plaisir la veuve Colette.
    Je vous présente le curé Donnadieu. Il remplace Bérenger Saumère. Paix à son âme.
Puis s’adressa au jeune curé Donnadieu.
  - De futurs musiciens. Ils pourront jouer sur l’harmonium de l’église.
Le jeune curé était vivement intéressé par cette proposition.
  - Mon prédécesseur m’avait laissé un mot. Je vous ai laissé une clé de la porte d’entrée de l’église. Gardez là et venez quand vous voulez.
  - Avec plaisir. Nous y penserons répliqua Bastian.
  - Nous avons été occupés par nos études.
La veuve Colette Prieur était très fière de présenter le jeune couple au curé.
  - Futur professeur de musique et Aurore premier prix du conservatoire de piano.
  - Vous auriez dû venir à la messe ce matin s’exclama le jeune curé Donnadieu.
  - Nous étions sur les hauts plateaux. Presque sur les chemins du ciel. Tant la montagne était si belle.
  - Je reconnais que la nature sauvage et le grand espace semblent propices à la méditation et à la prière.
  - Vous avez les mots justes ajouta Aurore.
  - Nous nous connaissons depuis notre enfance. Nos parents sont natifs de la région.
  - Nous ne nous sommes jamais perdus de vue. Même pour les études à Toulouse.
  - La musique nous rapproche encore plus.
    Lorsque nous jouons ensemble au piano. Notre esprit et notre cœur sont à l’unisson. Même notre corps.
  - Vous n’êtes pas mariés ? Questionna surpris le jeune curé Donnadieu.
Aurore fit un signe négatif avec sa tête.
  - Raison de plus d’envisager le mariage. Peut-être avant la fin de l’été. Vos parents doivent le désirer ardemment. Je suppose.
  - Monsieur le Curé a raison. Cela n’est pas trop convenable. Vous n’êtes plus des enfants. Ajouta la veuve Colette Prieur.
  - Ne vous inquiétez pas Monsieur le Curé. Une chose et sûre. Nous nous marierons dans votre belle petite église.
  - N’allez pas dans le pêché. Je serais obligé de vous confesser. Professa le jeune curé Donnadieu.
Aurore et Bastian s’éloignèrent du jeune curé et de la veuve Prieur. Ils prirent une ruelle qui montait légèrement.
  - Le nouveau curé n’a pas l’air de plaisanter. Soupira Aurore.
  - Frais émoulu du séminaire. Ajouta Bastian.
Aurore eut un sourire malicieux.
  - Avons-nous commis un pêché ?
Bastian embrassait Aurore.
  - Pas de doute. La confession sera longue.
  - Nous la jouerons… en musique.
 



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